Je me décide finalement à faire cette tronche de psy sur le psychologue clinicien car aucun collègue à ce jour ne s'y est attelé d'une part, et d'autre part, car nous pouvons être plusieurs a exprimer un ressenti forcément différent puisque personnel sur notre activité professionnelle.
Qu'est-ce qu'un psychologue clinicien ?
Voilà la question posée. La réponse, elle, me semble difficile car changeante. En effet, après quelques années de pratiques, certaines certitudes sont tombées et d'autres tomberont vraisemblablement dans quelques années. Je dirais que le psychologue clinicien doit peut-être d'abord accepter la castration… Je veux dire par la, que sans cesse nous avançons dans notre cheminement, et sans cesse le sentiment d'en savoir moins apparaît. Je repense alors à cette citation de Goethe : " Wer nichts weißt, aber weißt, daß er nichts weißt, weißt viel mehr als der, der nicht weißt, daß er nichts weißt. " autrement dit : " celui qui sait qu'il ne sait rien, sait déjà beaucoup plus de choses, que celui qui ne sait rien, et qui ne le sait pas. "
En effet, sortant de la fac j'aurais pu écrire des pages et des pages sur l'inconscient, l'hystérie, la névrose d'angoisse, la paranoïa, etc.. Aujourd'hui je sens que ce n'est pas si simple qu'il y a autre chose mais quoi ? Peut-être la clinique justement ! ! ! Le clinicien est avant tout un psychologue qui va à la rencontre de l'autre en se servant du filtre de son propre appareil psychique. Eh bien c’est la que ça se complique cette histoire, car il faut comprendre l'autre à travers le prisme de sa propre psyché. D'où l'intérêt, voir l'obligation morale, de se " connaître " un tant soit peu, du moins dans l'orientation psychanalytique qu'est la mienne.
Le psychologue clinicien est là, présent, suffisamment mais pas trop, dans un savant mélange dont la recette est sans cesse à retrouver et à réinventer. Car le psychologue clinicien, s'il n'a plus toutes ses certitudes, n'en reste pas moins un chercheur, et parfois même un trouveur ...Il trouve ce qui justement va permettre la rencontre, ou tout au moins une rencontre avec l'autre. Il trouve le cadre le mieux approprié car le cadre est sans cesse à réinventer. Certes nous avons des classiques, mais il nous faut trouver le médium qui permette d'appréhender l'autre. Parfois la disposition du lieu, parfois l'utilisation du dessin ou d'un jeu. C'est en ce sens que le clinicien est un trouveur. Pour cela il se sert de ses connaissances mais aussi de son sixième sens qu'il a développé au fur et à mesure de ses stages : l'intuition. A savoir après si cette intuitions ne serait pas ce que certains appellent le transfert, mais c'est là une autre histoire… L'exercice du clinicien dans une institution, outre la relation clinique (littéralement au chevet du malade) est aussi une relation d'équipe. Là où cela se complique, c'est que ce psychologue clinicien est échappant, pas dans le mode hiérarchique classique. Dans la fonction publique hospitalière, il est cadre A (cadre supérieur) mais il ne donne pas d'ordre...et n'en reçoit pas . cela peut être perturbant parfois dans un mode de fonctionnement habituellement très hiérarchisé.
Alors, il doit, tant bien que mal, tenter de résister, suffisamment mais pas trop, aux aspirations d'un côté et de l'autre. Il se donne parfois comme objectif de faire du lien entre les soignants et de poser des questions que seul un psy peut bien se poser. Je repense à ce que Jean-Bernard Chappelier (un professeur de psychologie clinique de l'université de Poitiers) nous avait dit une fois. il racontait avec l'aisance de la narration qu’est la sienne que les gens admiraient un convoi avec des chevaux, des habits superbes, une prestance remarquable ; un carrosse remarquablement sculptée. La foule ne voyait que ça. Et le psychologue, lui, aurait remarqué ce à quoi personne ne prêtait attention : les déjections des chevaux que laissait ce cortège derrière lui .
Je vais maintenant aborder deux facettes que je connais bien puisque les pratiquant, le psychologue clinicien au sein d’un centre hospitalier, et en exercice libéral.
Le psychologue clinicien au sein de la FPH bénéficie d’un tiers temps nommé temps FIR (Circulaire DH/FH3/92 n°23 du 23 juin 1992 ). Ce temps est un temps de Formation Information Recherche qui correspond a 1/3 du temps de travail effectif soit 11h30 environ de temps FIR et 24h30 de temps de travail " classique " pour un emploi a temps plein de 35h00.
Que nous dit cette circulaire concernant ce 1/3 temps FIR ?
" Le psychologue se doit d'actualiser sa formation sur les évolutions des méthodes et connaissances. Toutes facilités doivent lui être données pour permettre cette formation et. notamment, pour rendre possible le suivi d'enseignements ou de formations, le cas échéant à l'extérieur de l'établissement.
Aux termes des alinéas 3 et 4 de l'article 2 du décret du 31 Janvier 1991 précité, et pour assumer sa démarche professionnelle propre, pour élaborer, réaliser et évaluer de façon continue son action, le psychologue effectue une démarche personnelle qui comprend les éléments suivants :
- travail d'évaluation prenant en compte sa propre dimension personnelle, effectué par évaluation mutuelle ou par toute autre méthode spécifique.
- actualisation de ses connaissances concernant l'évolution des méthodes et l'information scientifique.
- participation, impulsion, réalisation et communication de travaux de recherche.
En outre, il peut, le cas échéant, participer et collaborer à des actions de formation, notamment auprès des personnels des établissements visés à l'article 2 du titre IV et auprès des écoles ou centres de formation qui y sont rattachés.
Il peut également être chargé de l'accueil d'étudiants en psychologie effectuant un stage hospitalier. "
Autrement dit, le texte étant très clair, le psychologue utilise ce temps pour actualiser ses connaissances (lectures, internet, colloques, etc..) et éventuellement travail de supervision, formations, accueil de stagiaires, etc…
Le salaire est dérisoire au niveau de la FPH, mais l’avantage est de pouvoir bénéficier de ce tiers temps d’une part, et d’autre part de travailler en équipe pluridisciplinaire, ce qui, de par nos différences, est riche d’enseignements mutuels.
De plus, il y a aussi le plaisir républicain de faire partie de la fonction publique et d’offrir nos prestations gratuitement aux patients.
L’exercice libéral présente comme avantage une autonomie totale ( si je veux travailler le dimanche et le soir jusqu'à 21h30 il n’y a aucun problème). L’inconvénient étant ce manque de travail en équipe, même si un travail en réseau est possible.
Les demandes sont également variées, de la personne qui a mûrement réfléchi sa démarche, à celle qui prend rendez-vous après avoir vu votre plaque…
Je trouve que l’activité mixte est excellente et à préserver, car elle permet de pouvoir avoir à la fois un travail d’équipe, et une diversité professionnelle, et qu’elle permet au clinicien de se ressourcer dans un lieu ou dans l’autre.
S.NICOLAS
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