Remarques et propositions des psychologues concernant l’organisation de la psychologie clinique et de la psychiatrie de liaison à l’AP HP

L’AP HP est un établissement hospitalier qui comporte 42 sites hospitaliers sur Paris et sa région, et 4 sites en province. Elle emploie quelque 500 à 550 psychologues.

En Avril et Juin 2002, deux rapports ont circulé émanant de la CME de l’AP HP et relayés par le Département de la Politique Médicale :

- note dite " psychiatrie de liaison "

- rapport sur l’accueil psychiatrique aux urgences

A circulé également un projet de rapport général sur la psychiatrie à l’AP HP, précisant la création de groupes de travail dont la mission sera de faire des propositions (groupe pilote et 5 groupes thématiques) et de rendre un rapport en Juin 2003.

Les Psychologues de l’AP HP n’ont été ni conviés ni consultés.

L’association Psyclihos et la fédération des collèges ont donc demandé à participer aux travaux de chacun des groupes, ce qui a été accepté.

Le projet " psychiatrie de liaison " rédigé par un groupe de psychiatres se propose de regrouper tous les psychologues des services dits " MCO " (médecine, chirurgie,obstétrique) dans des unités fonctionnelles transversales sous la responsabilité d’un psychiatre PU PH lui même rattaché au service de psychiatrie.

Nous présentons ici le document de réponses et de propositions présenté par Psyclihos au groupe " missions transversales " puis transmis au groupe pilote.

Bonne lecture

Marie-Odile Rucine

Remarques et propositions des psychologues

concernant l’organisation de la

psychologie clinique et de la psychiatrie de liaison à l’AP HP

Document de travail élaboré pour le groupe thématique " missions transversales "

Pour le Pr Consoli, à l’attention des membres du groupe de travail

copie aux psychologues du groupe pilote :

Nadine Labbé, psychologue, représentant l’association Psyclihos

Annie Kurz, psychologue, représentant la fédération des collèges

Marie-Odile Rucine psychologue (association Psyclihos)

Le 25/01/03

Introduction :

Historiquement les postes de psychologues dans les services non psychiatriques ont été demandés par les chefs de service ou les équipes médicales.

1°) pour l’humanisation des hôpitaux

2°) pour envisager une approche des difficultés psychiques des patients face à la maladie et un soutien psychologique aux équipes soignantes d’une manière différente et complémentaire de celle de l’approche des psychiatres de liaison.

Au fil des années, les motivations et des orientations de travail des uns et des autres, les liens mis en place entre psychiatres et psychologues ont vu un rapprochement des pratiques dans le domaine de l’activité dite " de liaison " ; les " filières " psychologiques et psychiatriques en MCO se sont côtoyées, les psychiatres ont appris à faire appel aux psychologues et réciproquement.

Il n’en reste pas moins vrai que notre formation et nos métiers sont différents, nos missions également : les psychologues ont vocation à envisager ce qui relève de la prévention et de la santé mentale au sens large, et à faire de l’aide aux aidants (travail institutionnel). Nous sommes des professionnels des sciences humaines, même si la plus grande partie d’entre nous travaille dans le domaine sanitaire. Notre titre est unique quels que soient nos secteurs d’exercice, et protégé (Loi de 1985). Nous ne faisons pas partie de la liste des professionnels de santé, médicaux ou para médicaux (cf rapport sur la démographie médicale, et les professions de santé, Pr Berland, Nov 2002)

Malgré une insuffisance et une dispersion de moyens psychologiques à l’hôpital, il apparaît que les psychologues sont implantés de manière plus stable et permanente que les psychiatres dans les services MCO.

" Faire son poste de psychologue " dans un service MCO nécessite plusieurs années de connaissance et d’ajustements mutuels. Certes, il arrive aux psychologues de répondre à des appels hors de leur service de rattachement, mais tous s’accordent à dire que la qualité de l’évaluation et de la prise en charge sont loin d’être satisfaisantes dans ces conditions.

Les patients hospitalisés en service MCO vus par un psychologue ne sont pas tous porteurs d’une pathologie somatique loin s’en faut : globalement on peut estimer que la fourchette des patients hospitalisés en service médical, pour autre chose qu’une pathologie somatique va de 10 à 20% : manifestations somatiques de l’angoisse, conséquences physiques de leurs actes (TS, accidents, etc…), agressions subies…

Quelques précisions statutaires concernant les psychologues de la Fonction Publique Hospitalière:

Nous sommes régis par des textes législatifs précis :

Décret 91- 129 du 31 Janvier 1991 portant statut particulier des Psychologues de la Fonction Publique Hospitalière

Circulaire DH/FH3/92 n° 23 du 23 Juin 1992, prise en application du décret 91 -129 du 31 Janvier 1991

Nos missions et exigences de coordination sont inscrites dans la circulaire, les psychologues sont donc tenus de tout mettre en œuvre pour y parvenir :

" Cette fonction (fonction clinique) qui s’exerce dans le cadre des structures intra et extra hospitalières comporte par ailleurs une approche globale de la personne accueillie. En ce sens, le Psychologue a une fonction de prévention. Il contribue à l’analyse et à l’aménagement des rapports entre la personne accueillie, les professionnels et l’environnement, favorisant ainsi une bonne articulation entre les différentes interventions ".

Les procédures de recrutement des psychologues sont les suivantes (décret de 91): concours sur titres suivi de choix de poste publié par rang d’admission ; cette procédure a été réglementée pour faire cesser les anciennes méthodes dites de " cooptation ". Les psychologues estiment que ce mode de recrutement doit être respecté, car il correspond à leur haut niveau de qualification, de responsabilité et d’adaptabilité. Il n’est donc pas envisageable que les changements de poste à l’intérieur d’un site se fassent au niveau de " ré investitures " sous autorité interne. Chaque changement de poste doit se faire après publication d’une fiche de poste, appel à la mutation interne, puis externe, puis mise au concours.

Par ailleurs, les médecins chefs des services MCO font eux mêmes un gros travail pour demander et obtenir ces postes de psychologues, ils le font dans le cadre du projet de service tel qu’ils le mettent en oeuvre, dans le cadre d’une histoire et souvent à la demande de leur personnel. Il n’y a aucune raison remettre ce dynamisme en cause.

Les fiches de poste : ne sont pas rédigées par les médecins chefs, mais par les psychologues eux mêmes, l’intitulé de leurs missions spécifiques se faisant dans l’esprit du projet de service, pour servir de base aux évaluations régulières des médecins responsables des services, et pour être publié à la mutation en cas de départ du psychologue.

En effet, l’autonomie professionnelle du Psychologue est inscrite dans le décret 91- 129 du 31 Janvier 1991 portant statut particulier des Psychologues de la Fonction Publique Hospitalière :

" Les Psychologues … exercent les fonctions, conçoivent les méthodes et mettent en œuvre les moyens techniques correspondant à la qualification issue de la formation qu’ils ont reçue. A ce titre, ils étudient et traitent, au travers d’une démarche professionnelle propre, les rapports réciproques entre la vie psychique et les comportements individuels et collectifs afin de promouvoir l’autonomie de la personnalité ".

Elle est également inscrite dans le code de déontologie adopté par les psychologues :

Chap 2 art 8 : " Le fait pour un Psychologue d’être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à toute entreprise privée ou tout organisme public, ne modifie pas ses devoirs professionnels, et en particulier ses obligations concernant le secret professionnel et l’indépendance du choix de ses méthodes et de ses décisions "

Les liens hiérarchiques des psychologues de la Fonction Publique Hospitalière :

Le psychologue est en liaison fonctionnelle avec son responsable de service, il est tenu de s’inscrire dans le cadre du projet de service, en fonction de sa qualification et de sa déontologie.

Ses liens hiérarchiques se font avec le directeur de l’hôpital et par délégation le DRH qui prend avis du médecin chef concernant son évaluation, en vue de l’établissement de la notation.

(Ces élément statutaires ont été rappelés par le ministère de la santé, lors de l’audience de l’intersyndicale des psychologues le 20 Septembre 2002).

Nos Souhaits

Coordination, articulation entre les professionnels de liaison psychiatrique et psychologique.

Meilleure lisibilité de nos implantations réciproques et de nos missions, vis à vis de l’administration, des professionnels de l’hôpital, et des patients. (ainsi que maintien des possibilités d’accès direct du patient au psychologue)

Formalisation de liens fonctionnels entre psychiatres, psychologues, équipes sociales et médicales.

Nos propositions :

Constituer dans chaque site hospitalier d’un " réseau d’accueil psychologique " ou " réseau d ‘accueil et de liaison psychologique " (terminologie à discuter ) dont la mise en oeuvre pourrait se faire sur le modèle du réseau de soins tel qu’il est conçu dans la loi " droits des malades et qualité du système de santé ".

Ceci suppose une formalisation des liens de travail hors de toute modification statutaire, hiérarchique ou fonctionnelle.

Les étapes et les mises en place pourraient comporter :

Recensement des moyens, des missions et des articulations en place déjà fonctionnelles au sein de l’hôpital, et avec l’extérieur (médecine de ville publique et privée, secteur social, judiciaire, secteur associatif)

Recensement des moyens (postes, contrats ou vacations) budgétisés et non pourvus

Maintien des insertions de chacun dans les missions ou les services préalablement définis

Formalisation de liens fonctionnels souhaités ou souhaitables entre les divers professionnels (psychiatres, psychologues, éventuellement assistants sociaux, éducateurs, secrétaire), l’objectif étant d’optimiser les liens de travail pour éviter dispersion et redondance.

Désignation de coordonnateurs de réseau (un ou deux membres du réseau par site, sans distinction de profession). C’est une mission et non une position hiérarchique. Le coordonnateur participe au recensement des moyens, à la formalisation écrite, une fois le projet discuté par les membres du réseau, puis à la liaison entre les membres du réseau. Il participe aussi à la mise en évidence des manques et au recensement des moyens nécessaires.

Charte organisationnelle écrite, enregistrée au niveau de l’administration, et régulièrement révisée.

Possibilité de mentionner l’existence de ce réseau sur le panneau descriptif à l’entrée de l’hôpital, constitution éventuelle d’une plaquette de présentation à usage interne.

Attribution de moyens logistiques propres au réseau (bureaux, secrétariat, ordinateurs, téléphone).

Réunions régulières des membres du réseau

Rapport d’activité annuel

Ce réseau pourrait lui même faire partie d’un ou de plusieurs réseaux ville hôpital (souvent différents pour les pôles adulte et enfant). Il pourrait en être l’initiateur.

Pré requis importants :

soutien et incitation de la DPRS vers les directeurs d’hôpitaux, pour que se mettent réellement en place dans tous les sites, des collèges ou unités de Psychologues.

Maintien de la possibilité d’accès direct des patients vers un des pôles du réseau (psychologues ou psychiatres, pôle adulte ou pôle enfant)

Maintien de la possibilité pour les membres du réseau, d’intervenir autrement que sur appel médical vers les équipes et les patients (cad sur demande ou proposition de n’importe quel membre de l’équipe soignante, ou sur initiative personnelle).

Quelques remarques sur le suivi comptable de l’activité des psychologues :

Les psychologues souhaitent que leur activité soit mise en évidence, ne serait ce que pour évaluer les surcharges et les moyens manquants, puisque actuellement, c’est plutôt dans ces termes que se présentent les choses.

Une comptabilité en termes d’actes classiques est peu concevable à l’hôpital pour beaucoup de raisons, principalement le fait que nous proposons bien d’autres types de contribution que des " entretiens soignants ".

La seule comptabilité possible pour les psychologues serait une codification en temps passé (certains collègues utilisent déjà une nomenclature interne construite dans ce sens : exemple DHM Louis Mourier)

L’inclusion de tous nos patients dans la catégorisation psychiatrique du PMSI nous semble peu raisonnable voire contestable, car il nous arrive souvent de voir sans demande, souvent une seule fois ou de manière ponctuelle, et souvent pour des raisons qui ne relèvent pas nécessairement d’une souffrance " étiquetable ". Si le PMSI devient incontournable pour les psychologues, il faudra alors prévoir un PMSI psychologie.

Il ne faudrait pas non plus que la question comptable vienne en lieu et place de l’analyse clinique qualitative de l’activité. Beaucoup de collègues rédigent un rapport d’activité annuel, conçu comme un outil d’analyse du travail, et le construisent de manière à ce qu’il puisse être utilisé pour - ou inclus dans - le rapport d’activité du service MCO dont ils font partie.

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